Le Total Workforce Management, le futur de la gestion des Ressources Humaines ?

Publié par Robert Half le 17/08/2023
Temps de lecture : 4 minutes

Le marché de l’emploi a fortement changé au cours de ces dernières années : un nombre croissant d’intérim managers ou autres externes ont rejoint les travailleurs fixes. La gestion de cette force du travail hétérogène est un réel défi. Frédéric Naedenoen, Assistant Professor à HEC Liège, Chercheur au LENTIC et spécialisé en Gestion des Ressources Humaines, en a fait le sujet de sa thèse. Nous partageons ci-dessous quelques-unes de ses réflexions.

De nouvelles formes d’emploi

De nouveaux types d’emploi de plus en plus divers se distinguent du classique ‘employé salarié’. Suite à ses recherches, Frédéric montre qu’il y a 3 manières de définir cette « zone grise » de l’emploi :

  • Classiquement, tout contrat qui n’est pas CDI : CDD, indépendant, intérim…
  • Par énumération de toutes ces nouvelles appellations. Il s’agit notamment des intérims managers, des Freelances, des Ipros (travailleurs non-salariés sans employés exerçant une activité de nature intellectuelle et/ou appartenant au secteur des services). Ces derniers sont en forte croissance depuis 2017.
  • Par catégories génériques en essayant de caractériser ces nouvelles formes d’emploi selon le statut, le contenu et les conditions de travail.

Prenons l’exemple d’un coursier à vélo : au niveau de son statut, il est un travailleur indépendant supporté par une organisation parapluie comme Deliveroo, protégé par un système d’assurances privé. Il dépend économiquement de cette (seule) organisation et fait un choix délibéré de travailler pour elle. Au niveau du contenu du travail, il a peu d’autonomie, avec des spécifications strictes, une charge et un rythme de travail imposés et peu d’accompagnement. Finalement, au niveau des conditions de travail, le coursier a beaucoup d’autonomie, puisqu’il gère son agenda et est auto-responsable du développement de ses compétences.

Cette grande diversité de profils de travailleurs externes rejoint les travailleurs internes. D’où l’intérêt de considérer l’ensemble de la force de travail en entreprise, et de développer une stratégie adaptée des RH : le Total Workforce Management (TWM). Les principes du TWM font l’objet d’un grand nombre de littératures scientifiques, dont Frédéric a entrepris un travail de catégorisation. Il existe différentes façons de gérer la diversité du personnel. Frédéric les classe en six dimensions, ou six points essentiels pour la gestion du TWM dans l’entreprise.

Les 6 dimensions du Total Workforce Management

  • Le travailleur externe a-t-il largement accès à l’entreprise cliente, tant au niveau des espaces de travail qu’au niveau des réseaux informatiques et des ressources documentaires ?
  • L’indifférenciation : Y a-t-il une même gestion des externes que pour les travailleurs réguliers de l’entreprise ?
  • La Formalisation : Existe-t-il une stratégie de l’entreprise quant à la gestion de ces externes ?
  • La Socialisation : le travailleur externe est-il impliqué et s’identifie-t-il à la culture de l’organisation ?
  • Le degré de Conformité organisationnelle : l’entreprise veille-t-elle à ce que les termes du contrat soient scrupuleusement respectés ?
  • La Centralisation : les externes sont ils pris en charge par le service HR, ou par des acteurs internes comme d’autres départements ou des chefs de projet ?

Indépendamment de ces 6 dimensions, les enjeux dans la gestion du TWM, diffèrent selon les acteurs :

  • Pour l’entreprise, il s’agit de maîtriser le cadre légal, de monitorer les ressources, d’aligner direction et ligne hiérarchique, de fidéliser et de motiver, d’articuler autonomie et contrôle, de se coordonner avec l’intermédiaire et d’aider au développement des compétences.
  • Pour les travailleurs externes, il s’agit de clarifier les attentes, de maintenir l’autonomie, d’obtenir une protection sociale, de créer de la confiance, de rompre l’isolement, d’obtenir une continuité de revenus,de développer ses compétences et sa carrière et de concilier vies privée et professionnelle.
  • Pour les salariés, finalement, il s’agit de gérer l’éventuelle surcharge de travail et d’éviter l’iniquité entre eux et les travailleurs externes.

Mais quelle stratégie de Total Workforce Management adopter ?

La stratégie du TWM dépend de différents facteurs ; le type de travailleurs externes, le secteur de votre entreprise, le nombre de travailleurs, … c’est du cas par cas. Sur base de ses analyses, Frédéric conclue qu’il y a deux aspects principaux à prendre en compte pour structurer une stratégie du TWM adéquate : le degré de spécialisation (les externes sont ils très spécialisés ou polyvalents ?) et le degré de l’unicité de la main d’œuvre recherchée (les externes sont ils rares sur le marché du travail ?). Trois types d’approches sont alors à conseiller :

  • L’approche « dynamique », pour des travailleurs à spécialisation faible et une forte unicité (ex. : un freelance chef de projets digitaux)

L’entreprise recherche un travailleur polyvalent qui est en mesure de s’adapter à sa démarche agile. Elle a une stratégie bien définie, et elle inclut le travailleur dans le collectif de l’entreprise. Cette stratégie est pilotée par le DRH & la ligne hiérarchique, afin de garantir l’autonomie du travailleur externe.

  • L’approche « transactionnelle », pour des travailleurs à spécialisation & unicité fortes (ex. : un chimiste spécialisé qui passe par un intermédiaire).

Les attentes et les tâches sont clairement identifiées dans le contrat et strictement respectées. L’entreprise ne prévoit rien de plus. Dans ce cas, le TWM est piloté par le DRH, ainsi que l’intermédiaire et le service légal.

  • L’approche « pragmatique », pour des travailleurs à spécialisation & unicité faibles.

Il n’y a pas vraiment de règles, ni de stratégie. Cette stratégie est limitée aux intérimaires car la loi sur l’intérim cadre les comportements managériaux et limite les risques de mauvaise gestion de l’encadrement . Le TWM est alors piloté par le DRH et l’agence d’intérim.

L’évolution du monde de travail, avec de plus en plus d’externes, demande une stratégie adaptée et surtout, réfléchie. En effet, il s’agira de traduire les différents aspects et concepts vers une stratégie sur-mesure de votre entreprise et des différents profils qui y sont actifs. Un beau défi, qui servira à aligner les différents acteurs sur … un Total Workforce Management.

« Cette keynote a permis d’éclaircir une matière complexe, et nous a offert un cadre qui peut servir de base pour une stratégie concrète », nous dit Cédric Desmet, directeur régional chez Robert Half.

« La présentation m’a permis de conceptualiser notre approche. L’écoute est primordiale et le droit à la parole n’est pas une question de statut, mais de compétences et de justesse de mode de pensée. » Stephan Arnold, Directeur administratif et financier, Ilunis luminaria.

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Frédéric Naedenoen est Assistant Professor à HEC Liège et Chercheur au LENTIC. Ses domaines d’expertise relèvent de la Gestion des Ressources Humaines et de la Gestion du Changement. Ses travaux actuels portent sur l’impact des nouvelles formes d’emploi sur la gestion des ressources humaines (Politique RH, Dialogue Social, etc.). Au sein du LENTIC, Frédéric réalise également de nombreuses missions d’accompagnement d’organisations de toutes tailles et de tous secteurs.

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