Frédérique Bruggeman, Managing Director de Robert Half, donne son avis sur la ‘guerre des talents’ en 2018 

Notre économie atteint progressivement un nouveau sommet. Cela ressort, entre autres, des chiffres de la Banque Nationale de Belgique : 69.000 emplois seront créés cette année et 122.000 dans les années qui suivront. Et selon l'indice « Better Life » de l'OCDE, la Belgique aborde progressivement le niveau de vie d’avant la crise bancaire de 2008.

Pourtant, nous ne devons pas être aveuglés par ces chiffres. Selon les derniers chiffres d'Eurostat, 3,6 emplois sur 100 étaient vacants en Belgique au cours du troisième trimestre de l'année. Une augmentation par rapport au deuxième trimestre, alors qu'il était de 3,3 sur 100. Selon la Fédération des entreprises belges, 130 000 postes vacants ne sont pas pourvus. Seule la République tchèque est en train de faire pire au sein de l'UE.

Marché de l’emploi à deux vitesses

La cause ne se trouve pas loin : il y a un manque de connaissances évident. L'offre de demandeurs d'emploi ne correspond pas ou pas suffisamment à la demande des employeurs. Les nombreux postes vacants restent souvent vacants longtemps, malgré le grand nombre de demandeurs d'emploi. Cela signifie que nous pouvons parler d'un marché du travail à deux vitesses : les entreprises recherchent des employés qualifiés, mais veillent à ce que les postes vacants demeurent vacants. La réserve de talents est très limitée dans certains domaines, ce qui fait que les entreprises sont de plus en plus concurrentielles dans le recrutement et la rétention des candidats et des employés les plus compétents.

Les entreprises devront donc revoir leur recherche de la perle rare. Ils doivent regarder au-delà des capacités techniques qui font encore défaut au candidat et se baser sur un nouvel équilibre entre les « compétences indispensables » et les « compétences agréables à avoir ». Après tout, les compétences techniques qui ne sont pas encore acquises peuvent être fournies par les employeurs à travers la formation et la supervision.

La meilleure attaque, c’est la défense

La « guerre des talents » est souvent liée aux efforts pour attirer de nouveaux talents. Comme travailler sur une « employer brand » claire, raccourcir le processus de candidature, établir une stratégie salariale compétitive... Ce sont des éléments essentiels pour que l'employeur puisse recruter la personne idéale pour le travail. Mais pour vraiment gagner la « guerre des talents », la meilleure attaque pourrait être la défense. En effet, les entreprises qui travaillent sur une stratégie claire de rétention et de gestion des talents finiront par s’y retrouver au bout du compte. Un plan individuel de formation et de développement avec une trajectoire de carrière horizontale ou verticale claire, qui est élaboré avec l'employé, est crucial.

Chaque employé est de préférence approché aussi individuellement que possible. Les accents, les défis et même les sensibilités sont différents dans chaque entreprise. À mesure que la société devient de plus en plus individuelle, les employés s'attendent à ce que cela se produise également au travail. De bonnes conditions pour un employé ne sont pas nécessairement celles d’un autre employé. Dans certaines organisations (et c’est une première), il y a parfois jusqu'à cinq générations sous un même toit et cette situation nécessite des besoins différents.

Responsabilité partagée

En outre, une automatisation avancée assure un changement dans les profils requis. Les processus automatisés prennent en charge certaines tâches, mais contrairement à ce que l'on suppose souvent, l'automatisation des processus d’entreprise n'entraîne pas nécessairement une perte d'emploi. Nous devrons tous nous réorienter et évoluer avec ça. Les employeurs et les employés ont une responsabilité partagée. Chacun doit contribuer à combler le fossé des connaissances et préparer ainsi le marché du travail de demain. Cela peut être fait en investissant dans la bonne formation ou reformation des employés actuels et futurs. Chacun doit accepter sa responsabilité et le fait que « l'apprentissage tout au long de la vie » ne soit plus qu’une simple intention.

Enfin, il y a encore la responsabilité au niveau de l'éducation. Les formations doivent aller plus vite dans la numérisation et adapter leurs cursus en conséquence. En outre, une coopération plus étroite entre les établissements d'enseignement et les entreprises est nécessaire, par exemple en introduisant des stages obligatoires dans tous les programmes. Cela offre aux étudiants la possibilité d'acquérir une expérience beaucoup plus pertinente avant qu'ils ne soient lancés dans le monde réel. Laissez-les goûter ce à quoi ils peuvent attendre et ce que l'on attend d'eux.

Ensemble, prenons la responsabilité de combler le fossé des connaissances. Dans cette économie mondiale, la « guerre des talents » ne se déroule pas seulement au niveau de l'entreprise, mais également au niveau international.